C’est la plus grande fête du calendrier musulman: l’Aïd el-kebir qu’on appelle au sud du Sahara Tabaski a été célébré, au Sénégal, ce samedi 2 septembre 2017 quand la Umma musulmane partout ailleurs se remettait de son orgie de moutons du vendredi 1er septembre. En une seule journée, des milliers de moutons ont été sacrifiés pour commémorer le sacrifice d’Abraham (Ibrahim sous nos latitudes). Une fête qui est aussi l’occasion de se réunir en famille.
La Tabaski, la grande réunion des familles autour du mouton
A quelques jours de la Tabaski, dans les rues de Saint-Louis, l’ambiance se faisait déjà sentir : le marché de Sor est bondé, places et terrains vagues envahis par les béliers et moutons notamment près du village artisanal, juste devant le cimetière de la ville; et les tailleurs sont débordés par le travail… C’est la ‘fête du mouton’ qui se prépare ! La famille Diallo, résidant à Sor Diagne, tente de s’organiser à l’avance, comme de nombreuses familles sénégalaises : confection de nouveaux habits, achats de nourriture et de boissons sucrées, nouvelles coiffures.
La Tabaski, la grande réunion des familles autour du mouton
Cette année, Ousmane et Fatou Diallo passent la Tabaski avec leurs deux enfants, Ibrahima et Ramatoulaye, à Matam, dans la famille du côté paternel. Après sept heures de route longue et chaotique, la famille est accueillie chaleureusement par les siens. « Je suis très content de retrouver mes proches, d’autant que je ne les ai pas vus depuis près d’un an. La Tabaski est une bonne occasion pour se ressourcer dans la maison familiale. En plus, cela fait près de dix ans que je n’ai pas passé cette fête avec eux », raconte Ousmane Diallo.
La prière et le sacrifice : deux actes prioritaires
Au matin de la Tabaski, les hommes et quelques femmes du village de Matam, vêtus de leurs habits traditionnels – tout neufs, pour la plupart, se sont retrouvés à la place du Stade pour effectuer ensemble la prière des deux rakkas. Une prière qui s’est déroulée dans le silence et le recueillement. “ Le sermon de l’imam a été orienté vers l’actualité. Il a ainsi prié pour que les prochaines élections présidentielles se déroulent au Sénégal dans la paix. Il est également revenu sur l’importance de la Tabaski pour nous Musulmans et a rappelé la signification de cette fête”, relate Ousmane Diallo. Après ce sermon, L’imam a ainsi sacrifié un mouton au nom de Dieu pour perpétuer l’acte d’Ibrahim. C’est le coup d’envoi du rite: les hommes de la famille Diallo, comme tous les musulmans, sont vite rentrés chez eux pour sacrifier le ou les moutons, comme tout le monde qui peut. Eplucher les légumes, couper la viande et entretenir le feu de bois… Les femmes se sont activées à préparer les repas. “ Tout au long de la journée, j’ai cuisiné trois plats : du foi de mouton aux oignons, des grillades (encore) accompagnées d’oignons, et de la viande avec des vermicelles. Ca a été une journée fatigante, mais cela m’a fait plaisir de cuisiner pour ma famille ! Et j’ai bien rigolé !…”, raconte Fatou Diallo. Mouton accompagné de patates et de crudités; cuisses de mouton grillées ou encore foi de mouton; les plats confectionnés se sont accumulés et succédés toute la journée pour le plaisir des papilles et des retrouvailles. Ainsi, les hommes sont passé de maison en maison pour rendre visite à leurs proches, famille et amis, pour partager ensemble les différents repas. “ La Tabaski est aussi l’occasion pour passer dans les familles et leur souhaiter de bonnes ’choses’… et aussi se faire pardonner si on a offensé quelqu’un”, explique Ousmane Diallo.
Une fête coûteuse
La Tabaski, la grande réunion des familles autour du mouton En cette fin de journée de la Tabaski, les rues de Matam sont pleines de monde. Les femmes, habillées de chatoyantes tenues traditionnelles, à leur tour s’en vont rendre visite à leurs proches, tandis que les enfants et adolescents, réunis par groupes d’âge, s’en vont demander des “ndewenel” (les étrennes). D’autres jeunes gens font la queue pour se faire photographier afin d’immortaliser cette Tabaski 2017. Réunis le soir devant un ultime repas, on discute, rit et profite de ce moment passé ensemble avant d’aller se coucher – ou d’aller danser toute la nuit ? Entre l’achat du mouton et les cadeaux pour les proches, la Tabaski est une fête qui revient cher. “ Tout le monde s’attend à avoir quelque chose, que ce soit en nature ou en espèces. Certains le demandent clairement, d’autres le font de manière voilée”, explique Ousmane Diallo. Certains musulmans utilisent même leur droit d’avance pour la Tabaski, à hauteur de 50 000 francs CFA. Une somme qui sera ensuite reprise sur le salaire. Les Sénégalais ne font pas la fine bouche pour autant, très heureux de partager cette fête. “Je suis très content d’avoir effectué ce ‘pèlerinage’ à Matam. Même si la route est longue et mauvaise et que cela revient cher, je compte bien y retourner l’an prochain”, conclut Ousmane Diallo.
Les origines de la Tabaski La Tabaski, la grande réunion des familles autour du mouton
Fêtée deux mois et dix jours après la fête du Ramadan, la Tabaski, littéralement “fête du mouton”, est célébrée chaque année par tous les fidèles musulmans. Appelée Aïd el-Kebir chez les Arabes, cette fête religieuse rappelle la soumission d’Ibrahim à Dieu, lorsque celui-ci lui demande de sacrifier son fils, Ismaël. Ibrahim accepte cet impératif divin mais, au dernier moment, l’archange Gabriel apparaît et lui envoie un mouton qu’il sacrifie à la place de son fils. Pour perpétuer cet acte, chaque musulman doit tuer un mouton le jour de la fête, après la prière et une fois que l’imam a sacrifié le sien. Une fois égorgé d’un couteau tranchant, le mouton (cela peut être une chèvre, voire une vache) doit être divisé en trois parties : la première pour la consommation du jour, la deuxième pour ceux qui n’ont rien et la dernière pour le lendemain ou les jours qui suivent. Aucune partie ne doit être gaspillée et tout doit être consommé ou offert. La fête peut durer jusqu’à trois jours, enfin, si l‘on ne peut pas la prolonger au-delà. Et au Sénégal, l‘avant-fête et l‘après-fête, ça dure…
Texte Rozenn Le Roux. Photo Eddy Graëff