Lorsque l’on enjambe le pont Faidherbe on découvre en plus d’une société dont les manières d’être et la convivialité sont si singulières, un trésor d’infrastructures et d’édifices, témoins de l’histoire glorieuse de la veille cité.
A pied ou en calèche, à travers des rues aux noms évocateurs (Repentigny, Anne-Marie Javouhey, Blanchot, Pierre Loti…), vous pourrez aller à la découverte du parcours urbain mis en place par le syndicat d’initiative de Saint-Louis.
Venant du quartier de Sor sur le continent, on accède à l’île par l’unique liaison, le pont Faidherbe. Ouvrage métallique de 507m de long et de 10,50 m de large, le pont est composé de 7 travées en arche dont la deuxième à partir de l’île est conçue pour pivoter autour d’un axe fixe afin de laisser passer les navires. La chaussée centrale est bordée de deux trottoirs piétonniers. Vieux d’une centaine d’années, le pont, inauguré le 19 octobre 1897 fut rénové en 2011.
Arrivé sur l’île en descendant le pont Faidherbe, la vue est remplie par un bloc d’édifice : Gouvernance. De l’ancien fort colonial, subsistent encore des murs à la base très épaisse, vestiges des premiers contreforts, visibles de la rue Milles Lacroix.
A l’Ouest, la Gouvernance s’ouvre sur une place ombragée portant le nom du Gouverneur Faidherbe dont la statue trône imperturbable dans le jardin. La place Faidherbe d’abord appelée la Savane ensuite place d’Oléans bordée par les casernes Rognât Nord et Sud (1837) et comme veillant sur tout cela, Louis Léon Faidherbe, Gouverneur du Sénégal de 1854 à 1864. (Sur cette place, le Général Blanchot y célébra la victoire d’Austerlitz).
De part et d’autre de cette place centrale les deux quartier de l’île : le Sud ou Sindoné et le Nord ou Lodo. Au file du parcours vous pouvez découvrir des édifices anciens à l’architecture typique.
Le Sud, première zone d’implantations Européenne appellée également kertian (du nom chrétien), on tombe dès les contournements de la Gouvernance sur la cathédrale.
Consacrée en 1828, elle fut la première église de l’Afrique de l’Ouest. Vous pourrez admirer sa façade néoclassique, son porche avancé et son fronton était surmonté d’une statue de Saint-Louis détruite il y a quelques années, emportée par le vent.
Sur le même alignement vers l’Ouest l’ancienne école des Frères Ploërmel (1841), devenue au début du siècle établissement Peyrissac, conserve encore ses façades d’époque.
Vers le « Grand bras », un magnifique bâtiment blanc au balcon en fer forge richement décoré ; d’abord siège du Conseil Général, il devint Conseil Colonial puis Assemblé Territoriale, Assemblé Régional et depuis peu Centre Culturel Régional. Une fois franchie la lourde porte en bois, vous pourrez admirer le superbe plafond de bois à caissons peints.
Allez vers la Pointe Sud, vous pourrez découvrir l’ancienne maison des sœurs de Saint-Joseph de Cluny qui fut pendant des années le Services Régional des Impôts. Elle offre l’une des plus intéressante originalité de Saint-Louis avec son escalier monumental aux deux volets circulaires.
Avant d’arriver à la Pointe Sud, halte au Lycée Ameth Fall dont les bâtiments construits en 1840 sur l’emplacement du premier cimetière chrétien, abritèrent successivement l’hôpital civil puis le collège Blanchot avant de devenir Lycée de jeunes Filles. Sa cour majestueuse, l’équilibre de son architecture offre une sensation de douce intimité.
Accolé au lycée, un bâtiment plus moderne, le Centre de Recherche et de Documentation du Sénégal (CRDS), ex Institut Français d’Afrique Noire (1954), abrite une importante bibliothèque, un trésor inestimable d’archives de l’ A.O.F. Ne manquez pas la visite du Musée et de la galerie d’exposition d’art moderne.
De l’esplanade du CRDS, la vue est large et belle sur la plan d’eau qui s’écoule vers l’embouchure. Au delà, sur la Langue de Barbarie, le quartier populeux de Guet N’Dar qui organise chaque année de grandes régates, le cimetière et l’Hydrobase d’où partit Jean Mermoz pour sa traversée de l’Atlantique. A l’Est les quartiers plus récents de Sor, le St-Louis moderne.
Retour vers le quartier Nord par les quais qui longent le grand bras du fleuve Sénégal. Commencée en 1830, la construction des quais tout autour de l’île fut renforcée par Faidherbe et achevée par Roume. D’abord en bois puis de plus en plus en maçonnerie, ils permirent d’assurer la voirie et la salubrité de l’île de même que sa protection définitive contre les inondations.
Sur ces quais étaient débarquées et embarquées des marchandises qui faisaient l’objet du commerce fluvial. Des entrepôts alignés en enfilade, particulièrement sur le quais Nord témoignent de la prospérité d’antan.
Ces maisons de commerce bordelaises et marseillaises occupaient généralement tout un îlot avec cour intérieure fermée ; côté fleuve des entrepôts où étaient stockées les marchandises débarquées ; côté rue, des boutiques à grandes portes en bois et vitrine au rez de chaussée et appartements des négociants à l’étage avec vastes terrasses et balcons à balustrade.
Au bout des quais Nord, après l’Ecole Française, une grande silhouette en fer se détache, c’est la grue à vapeur de 20 tonnes.
Témoignage vivant de l’intensité du commerce fluvial de l’époque, cet ouvrage à vapeur est probablement l’un des rares existant encore au monde.
Plus loin, à gauche, le camp El hadji Omar, ex. camp Archinard, abritant l’ancienne poudrière et les cantonnements des « Tirailleurs Sénégalais« .
De la Pointe Nord, vue sur l’amont du fleuve, juste en face, l’île de Bopp Thior où fut installée la première briqueterie de la région.
En revenant vers le centre ville, à la limite des allées, la Grande Mosquée, de style maghrébin fut édifiée par l’administration coloniale à l’intention de la communauté musulmane grandissante. Le clocher logé dans son minaret gauche reste une énigme.
Plus au centre encore, deux édifices voisins sur la rue Marie Parsine Abdoulaye Seck (ex. Brière de l’Isle) : le Palais de justice construit en 1841 dont l’escalier monumental et le portail en fer forgé frappent le visiteur, et la Maison militaire l’architecture si bien conservée. Ce dernier édifice, dit-on, aurait été bâti sur l’emplacement de l’habitation du Gouverneur Schmaltz rescapé du fameux Radeau de la méduse.
Tout au long du parcours de découverte, le visiteur aura remarqué le caractère typique des habitations.
C’est d’abord la maison à étage et toits de tuiles avec au rez de chaussée de grandes pièces aux lourdes portes en bois servant de boutiques. Côté rue comme côté cour, les appartements en enfilade aux plafonds hauts en bois et aux nombreuses ouvertures donnent sur des balcons avec balustrades sapin et en fer forgé. Par temps chaud, l’intérieur offre une grande fraîcheur. Et l’on imagine la vie douce et aisée que les Signares, ces belles métisses qui font encore rêver, menèrent en ces lieux.
C’est ensuite, plus loin du centre ville, au Nord comme au Sud, la maison basse dite maison portugaise. Généralement petite, construite en dur, elle est couverte en tuiles rouge à double pente et souvent en terrasse. On y accède par un porche décoré avec un portail en bois. A l’intérieur les chambres alignées s’ouvrent sur une large véranda fraîche.
Une fois la visite de l’île achevée, vous pouvez traverser le pont Servatius en direction de la Langue de Barbarie.
Photos : Laurent Gerrer et Eddy Graëff